L'Abécédaire, lettre T

♥Temps (manque de)

Quand ton élève est sur le point de réussir à comprendre une notion et qu’il ne lui manque qu’une ou deux séances pour y parvenir, c’est très frustrant de voir le prof passer à la notion suivante, parce que « c’est le programme ».

Que dis-tu à cet élève qui s’est démené pour comprendre, mais qui rate le train d’un rien ? « On y était presque ! Dommage ! ».

Les élèves manquent de temps pour ingurgiter les programmes scolaires, c’est un fait, et pas seulement les enfants en situation de handicap mais d’autres aussi, beaucoup d’autres… .

Lorsque cela se produit j’avoue ne pas avoir le courage d’expliquer à mon élève la situation. Le plus souvent, je lui dit, « Tu as fait de ton mieux, la prochaine fois on va y arriver ».

Est-ce que le temps nous fera encore défaut ?

« Le temps n’attends pas » dit-on.

♥ Théorème de « D »

Ne cherchez pas dans les livres ou ailleurs, vous ne trouverez aucune trace du théorème de « D ».

Tout est partie d’un « banal » cours de math (si tant est que l’on puisse qualifier de banal le cours de math de la professeur dont il est question ici).

Je suis, comme à l’accoutumé, assis en classe, à côté d’un élève de 4e que j’accompagne régulièrement. Il est question de réciprocité (je vous passe les détails).

La classe est plutôt silencieuse et les élèves semblent attentifs.

Mon élève lui , papillonne du regard, comme bien souvent et ne semble pas du tout prêté attention au cours.

Sentant un certain scepticisme dans l’auditoire et pour simplifier ses propos, la professeur prend un feutre et écrit (dessine) au tableau :

Si ♥alors ☼ et ajoute sur un ton léger:

« Ça c’est le théorème de D! » (D étant, vous l’aurez compris, la première lettre du nom de la professeur de mathématique).

À ce moment-là j’aperçois mon élève, que je croyais distrait, saisir son crayon et griffonner avec enthousiasme sur son cahier la formule qui vient d’apparaître au tableau.

Et de me dire : « j’ai compris ! »

Voilà un théorème que je ne suis pas prêt d’oublier (et lui non plus je crois!).

♥ Troubles du spectre de l’autisme

Les enfants porteurs de troubles du spectre de l’autisme sont tous différents.

On aurait tort de vouloir figer, chez eux comme chez d’autres enfants, des comportements, des attitudes, car même si ils peuvent avoir des points communs, je pense que c’est un tort que de vouloir uniformiser leur profil.

L’erreur est -souvent- de croire que ces enfants ne comprennent rien, n’entendent rien, ne ressentent rien, bref qu’il n’y a pas beaucoup de progrès à attendre de leur part.

Très souvent, ils ont du mal à communiquer mais pas toujours,

ils n’aiment pas le contact physique mais pas toujours,

ils ne comprennent pas le second degré mais pas toujours,

ils n’ont pas d’humour mais pas toujours...

« Qui ne tente rien n’a rien ».

Ces enfants ont parfois des difficultés à mobiliser leurs ressources intellectuelles et les compétences au moment opportun. Mais si on sait se montrer entreprenant, patient et persévérant, ils peuvent nous surprendre.

J’avais un élève en 5e qui ne parlait pratiquement pas. En classe, aucune interaction ni avec moi ni avec le professeur ni avec ses camarades. Pendant plusieurs mois, pour susciter une réaction de sa part, je faisais des blagues, j’imitais des personnages, je faisais semblant de me lamenter dès que quelque chose n’allait pas.

Sans succès.

Puis un jour, alors que je faisais mine de pleurer après le énième bug de sa tablette, il m’a regardé et me dit : « C’est une blague ? ».

Une porte s’était ouverte et ne s’est plus refermé durant toute l’année scolaire.

À la fin (avant les grandes vacances) on jouait au loup dans la cour, il montait sur mon dos pour faire « à dada » et d’autres jeux dont je n’aurai jamais imaginer qu’ils puissent se faire avec lui.

Que du bonheur !

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